8.2.15

46. Christophe Siébert _ 'Poésie portable (extrait)'

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la moindre de tes émotions – rebondit dans tous les coins de l’univers et me frappe en plein front – une poignée de dieux joue au billard avec nous – le jour où tu te pends – je vais tousser toute la journée – sans bien savoir pourquoi

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alors que dans la civilisation absurde – autour de nous en pleine hypotension – les crétins se passionnent pour tout – les autres les minables vivants ceux dont l’âme n’est pas un terrain vague où flottent des images panini – ceux-là se détachent et s’ennuient aussi morts que la méditerranée – que le soleil – aussi ouverts au monde que les cafards d’hiroshima

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j’ai pas de rêve – je n’en ai plus – comment puis-je en avoir quand le présent est un feu – quand tout ce qu’on touche brûle et brille comme la fin du monde – comme le soleil – quel rêve nourrir quand on boit et mange et baise comme un dieu perdu dans l’univers – un haut-fourneau dans le désert glacé – comment peut-on rêver quand tout ce qui vibre c’est soi-même et deux ou trois semblables et que la danse s’effectue dans la poussière inerte – dans le brouillard humide au milieu des statues – comment peut-on rêver quand on sait que le futur est un piège à lapin et qu’on est assez con pour croire qu’existe le présent

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quand tu étais petit – tu aimais bien foutre des trempes aux intellos premiers de la classe et autres binoclards qui se prenaient pas pour de la merde – rabattre leur caquet à grands coups de claques – maintenant tu patrouilles en uniforme dans les trains – tu es debout et ils sont assis – tu appartiens à la police ferroviaire et eux ils t’appartiennent à toi – ils baissent les yeux quand tu les regardes de travers – si y en a un qui bronche on t’a promis qu’il est pour moi – quand tu étais petit – je me demande si tu lisais pif-gadget ou spirou ou mickey ou bien rien de tout ça

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il y a quelques années j’ai perdu la mémoire du mot impunité du mot impunément – pourtant j’avais toujours sa définition – je passais des nuits blanches à me creuser la tête – le sommeil contracté par le stress – à tenter de retrouver le mot – à tourner des syllabes dans tous les sens – à ne pas y arriver – comme un amnésique – des semaines ça a duré – des semaines et puis le mot – est revenu

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c’est l’apocalypse dans les gares – les trains sont remplis de gens bronzés et tristes – et les quais d’enfants qui bougent la main en pleurant – d’enfants tristes et bronzés

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les pieds nus des femmes – spécialement quand les ongles sont peints – sont des temples – tous les dieux et les déesses sont décevants par nature sauf nous-mêmes et nos rêves les plus cons – et les pieds nus des femmes – spécialement leurs ongles peints

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pourquoi empoisonner ses parents – comme néron ou violette nozière – alors qu’il suffit de s’asseoir – et regarder mourir

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toutes les histoires d’amour sont uniques – mêmes celles qui sont identiques jusqu’au moindre détail et elles le sont toutes follement névrotiquement identiques – toutes les histoires d’amour sont uniques comme peuvent l’être deux tabourets fraîchement sortis d’une usine ikéa – toutes les histoires d’amour sont uniques pour peu qu’on s’intéresse à l’infiniment petit – pour peu qu’on veuille bien être une mouche collée à la toile fractale

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la révolution – c’est un truc de sportif – la révolution – c’est un truc de connard sans humour – la révolution – c’est un truc de vrai mec – la révolution – c’est un truc de fille à couilles – la révolution – c’est pas pour les branleurs – la révolution – c’est pas ouvrir grand son cul pour y faire entrer des poèmes – la révolution – c’est pas éjaculer le matin dans sa couette en écoutant france-culture – c’est préférer faire des pompes – et faire péter les phéromones – en pensant à la mort des juifs – ou à celle des patrons

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un jour je serai riche – je ne verrai plus le ciel qu’à travers des vitres – je ne connaîtrai plus la pluie sur mon front ni l’orangé du sodium ni mon ombre étirée sur les trottoirs humides – et j’aurai des regrets sans bien savoir lesquels


À suivre ici.

Christophe Siébert

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