12.5.15

65. Olivier Warzavska (AKA Walter Van Der Mäntzche) _ '#camfiction SECTEUR 1'


#camfiction SECTEUR 1
De la mémoire élective à la cryptologie des sentiments

Résurgence de V., première du nom, pour ses jambes, croisées dans la vignette miniature d’une collection des plaisirs éphémères. Deux arcs de tissus bleus tendus dans les airs sans visage. Dix touches de rouges ovoïdes en guise de couronne par-dessus le calice. Ta peau blanche, telle qu’elle m’était décrite dans les artères échauffées des faubourgs de la Valette ou les rues glacées d’un Est new-yorkais fantasmé. C’est d’une profane bénie dont je vous entretiens le souvenir. De rouge à rose, ignorant les pales imitations de tes rivales. Une bouche marquée au fer flou m’aurait fait manquer l’irrécupérable, goutte par goutte, tes mains s’élèvent aux prises dans ton filet fixé dans chaque coin. Enquêteur focalisé sur mes précédentes inattentions, sans voir défiler les lignes, sans que je ne l’eusse senti relever le buste, ni remettre les voiles en place, V. disparut du cadre en une poignée de flagrances. Incapable de garder son nom en mémoire.

Connexion : première image : une bite tendue en arc sur l’assise d’une chaise. Au second mouvement, le passage de ton corps nu pleine chair. Déjà nue, déjà vue, déjà tu t’affaires, l’huile coule le long de ton buste et file aux frontières de tes bas de coton rose, marques pareilles à des pois pop attaqués par l’acide. Tu nous quittes, une seconde sur le compteur, je retiens mon souffle – la voix de Lana échardée par tes soupirs grésillés – Dos à l’objectif, tu poses un préservatif rose fluo sur le bout et tourne autour de totem planté au bord des lèvres, tu luis, deux pieds au bord de l'abîme tu nous reviens pour mieux t’ajuster. Élisa, d’un seul geste de la main tu les atomises dans les profondeurs du classement. Les autres, rendues incertaines, et le sexe factice caché quelque part, entre tes cuisses ou en toi, ta douce exhibition se pare de mystère ; alternant indécisions et brefs retours aux certitudes. Tu me fais passer de l’envie d’en finir sur-le-champ à celle d’en garder l’impact derrière la rétine. Je ne résiste au désir de glisser sur toi, d’être le seul à accompagner ta balance et de guider les foules, je n’avais pas d’autres choix que de rester le dernier de l’autre côté du clavier. 

Plan fixe interminable. Aussi étonnant qu’il puisse paraître, elle se glisse entièrement dans le cadre, assise à genoux les fesses posées sur les mollets tout aussi dénudés. Deux seins ronds que l’on devine lourdement chargés de dynamite quand elle les remue d’un balancement partant des épaules au nombril, là où pointe un sexe-objet d’une couleur chair qui fusionne en apparence avec celle de sa propre enveloppe dans la compression dégradée de sa webcam de mauvaise qualité. Le phale tient debout par l’assistance d’une ventouse ou d’un dispositif adéquat – se montre autant barrière que promesse, voire expédient. Il attend les centaines de membres connectés, avec sa consœur qui jette d’incessants regards vers son écran de contrôle, entre deux balancements, pour surprendre les allées et venues des anonymes sous pseudos qui ne tarderont plus à presser les touches du lancement des hostilités et des figures imposées. Quand elle se lève en tournant des jambes agiles par-dessus la figure, c’est au rang de doublures nostalgiques que se sentent expédiés ses apprentis contrôleurs en machines molles.

Zapping rapide, toujours sur la trace de la Salamandre. Tous les jours à la même heure : un couple : homme caméra dans les mains au point de vue dans ses yeux dans les yeux de sa femme (je suppose qu’il s’agit de sa femme, la mise en scène paraît claire) un regard pour la caméra, un regard pour l’écran posté à sa droite hors-champ. Yeux noirs finement cernés de mascara et de régularité mécanique. Passe d’une interface à une autre en tactique chronométrée. Navigue façon rituel cybernétique sur tous les tableaux. Si bien qu’un utilisateur zélé – il y en a, assurément, partout, et surtout dans ces coins-là – dans un de ces coups de folie qui abolit le temps, serait capable, disais-je, d’établir des statistiques sur les répétitions de la séquence : appel de l’écran / retour dans le vague / iris focus dans le fond du visiteur caché de l’autre côté du process sexcam. Elle suce le sexe demi-flasque demi-dur de son mari. Pendant des heures. Jusque à ce que l’image se fige. Plan fixe sur l’absence.

Le jour où tout changera du tout au tout. Le jour où le vigile lui dira bonjour au supermarché. Le jour où Cindy arrêtera de se focaliser sur des choses tellement absurdes qu’elles en deviennent normales. Ou l’inverse. Le monde est tellement normal qu’il en est devenu absurde. Comme une guerre que l’on suit à la télé au jour le jour sans la subir. Du fond de la piscine, c’est l’atmosphère qui est floue. Vu du sol, l’univers semble plat. De ce côté du clavier, l’interface se rapproche plus d’un filtre mouvant que d’une stupéfaction spécifiquement mécanique, cette machine dont on dit qu’elle puise son pouvoir de la séparation : Acteur / Spectateur. Sujet / Objet. Maître / Esclave. Cette mince frontière affirme le nouveau postulat de l’époque ; son mystère d'indifférenciation. L’immortalité dans le viseur. L’amoralité sur le curseur. Un troisième terme s’infiltre dans l’équation : Éros, Thanatos et porno(s). Si les deux premiers sont des dieux, archétypes personnifiés (pour lancer une ébauche de prédéfinition dans les airs). L’un procède d’une fonction vitale de l’être, venue des profondeurs. L’autre, d’un point de vue forcément réducteur, nous rappelle l’existence du non-être, ou d’une absence, d’une béance, si l’on se réfère à une lecture de la chair, dans une chronologie et un destin ; une fatalité, pour tout dire. Porno – auquel il serait tentant d’ajouter un « s », pour se la jouer au divin – lui aussi, serait messager du non-être, mais en plus vicieux, moins sépulcral, déterminé à la superficialité, car aiguilleur sur le chemin de la réification. J’aurais aimé lui dire autre chose, à Cindy, à ses jouets de métal, son sourire plastique, ses bracelets de perle, d’une plus terrible inspiration que mes habituels chuchotements indécis.

Après l’éloignement (ou l’absence), vient l’interdiction, pour que la transgression de l’interdit soit parfaite. C’est à ce moment que Bob (le méchant) interroge Alice (l’héroïne). Nous en apprenons davantage sur elle dans cet interlude au détour d’une galerie marchande qu’en dix lignes de descriptifs vestimentaires, de commentaires sur ses courbes et de confessions le monde caché derrière cette porte. Sûr qu’elle s’en laissera tromper, par duperie, ou par simple masochisme ; la séquestration étant totale, le mode opératoire rodé jusqu’au grotesque. Alice, la représentation de son univers. Alice incarnant l’idée autant que ses fruits. C’est dans son cœur que le bon Prince, le Charmant tout vêtu de blanc, fit son apparition. Nommons-le César. Vous connaissez la suite ? Le héros passe les épreuves, découvre ses pouvoirs, combat (le doute, un moment de doute avant chaque étape, le doute avant l’ennemi, le doute comme meilleur ennemi), quitte à recevoir sa part de blessures et de stigmates, autant de marques claires de réquisitoires au défi des imposteurs qui ne tarderont pas à se présenter au Château. Pour ce genre de héros, la clé se porte dans le cuir. Malgré les interférences – difficile d’être un message à l’époque de la communication reine – Alice saura toujours reconnaître le mot déroutant d’un champ de passes. Il en va de la cryptologie des sentiments comme de la morphologie des contes. Alice vit loin des caméras dans son fantasme de Princesse, l’œil n’y transmet qu’un signal. Les élucubrations de la main, des coupures. Ma présence en direct, un soupçon d’incertitude, dans mon catalogue de débauches privées.


Olivier Warzavska (AKA Walter Van Der Mäntzche)

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