
Ma colline est loin de moi. J’ai tenté de disparaître dans le plafond de ma cuisine pour ne plus y penser mais les dix années de crasse m’ont fait barrage. Ma main a frotté des heures et des heures la peinture pour effacer les taches dans mes pensées, maintenant je n’ai plus la force physique de disparaître. Le plafond est blanc. J’essaie de le voir en bleu, mais je n’ai plus de couleurs dans la tête, elles se sont envolées, elles s’ennuyaient sans ma colline. Cette nuit en plein jour me fait peur, elle est blanche également. Tout est blanc, je m’affole, je cours vers mon fauteuil vert défoncé pour qu’il m’enlace mais je me perds. Je suis face à moi, visage transparent, je ne distingue plus les formes de mes lèvres, ni de mes yeux. Juste un ovale qui me nargue. Je ne sais plus dans quelle pièce je suis chez moi. Je longe un mur et je me retrouve dans ma salle de bain. Je la reconnais, j’entends le bruit de l’eau qui ne coule pas. J’ai toujours rêvé de crier, mais quand je crie personne ne m’entend, même pas mes murs. C’est pour cela que j’entends l’eau qui ne coule pas de ma salle de bain, la sonnette qui ne sonne pas de ma grille et qui n’existe pas d’ailleurs, le pas d’un homme en chemise de soie s’avançant vers moi, mes vernis rouges et nacrés se chamaillant, les pleurs de mon cendrier bouleversé par mes émois. Je suis donc dans ma salle de bain, cela me rassure, je m’étais simplement égarée. Je jette un œil dans mon miroir mais il s’est drapé d’un voile en tissu noir, il ne veut plus me voir, il a été vexé l’autre soir quand je lui ai craché dessus, je sais, je suis ingrate. Les miroirs nous accompagnent toute notre vie, ils subissent nos peaux vieillissantes, nos grimaces, nos traces de maquillage, de mousse à raser et tout ça sans se briser. Je n’aurais pas supporté d’être mon miroir, j’aurais éclaté en mille morceaux devant tant d’états d’âme. Mon miroir était mon seul ami de visage humain, le mien, mais au moins un. À présent je suis dans mon ovale, et je n’ai pas eu la force de disparaître dans mon plafond. Je me suis apaisée et j’ai retrouvé le chemin de mon fauteuil vert défoncé. Je me suis assise et j’ai fermé les yeux. Et puis, j’ai reconnu le pas de l’homme en chemise de soie s’avançant près de moi, celui qui n’existe pas. Alors j’ai pleuré.
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